La réglementation verte : défis et rôle du DAF

La réglementation verte amène les entreprises à évoluer. Elle les oblige à prendre une décision stratégique quant à l’adaptation ou au changement de leur modèle commercial. La finance jouera un rôle dans la mise en œuvre de ce nouveau business model. Les directions des pôles développement durable, acquisition et marketing y contribueront aussi.

Les enjeux du développement durable

Plusieurs normes, telles que la Taxonomie Verte, la NFRD et la CSRD, applicables aux grandes entreprises, ont été introduites au cours des années 2020 afin d’encourager les comportements à long terme. Ces nouvelles réglementations concerneront des dizaines de milliers d’entreprises françaises d’ici 2027. L’objectif est de définir un ensemble de règles plus complet et inclusif, mais aussi plus restrictif et technique. Les dirigeants ont quelques mois pour se préparer à la diffusion de ces nouvelles pratiques au sein de leur organisation et face à leurs parties prenantes. Cela pourra s’apparenter à une tâche insurmontable pour certains, une aventure palpitante pour d’autres. Dans tous les cas, le chef d’entreprise aura plus que jamais besoin de l’ensemble des services de son entreprise pour opérer ces changements.

Adapter ou changer de modèle économique : telle est la question.

Dans le cadre de sa stratégie d’allocation des fonds européens, l’Europe a fixé cinq objectifs pour la période 2021-2027. L’un d’entre eux est lié au développement durable. La priorité est une Europe plus verte avec zéro émission de carbone (la réduction des émissions de carbone de 55 % d’ici 2030 et neutralité carbone d’ici 2050). Ainsi, l’Europe met en œuvre l’Accord de Paris et investit dans sa transition énergétique, les énergies renouvelables et la lutte contre le changement climatique.

Ces changements vont impacter l’ensemble des agents économiques qui devront se mobiliser (gouvernements, citoyens, organisations privées et publiques).

Nous allons regarder plus précisément la situation des entreprises sur le sujet en 2022. A aujourd’hui, deux types d’entreprises coexistent : celles qui ont une raison d’être et un modèle économique stable à long terme, et toutes les autres !

  • Les reportings extra-financiers sont à priori simples à mettre en place pour les premières dites “durables”.
  • Quant aux secondes, celles qui sont « sur la voie de la durabilité », elles sont en phase avec les attentes des normalisateurs ainsi que des investisseurs par le biais du DPEF. Elles rendent compte de leur stratégie RSE, qu’elles utilisent au quotidien pour introduire la durabilité dans leurs activités. Ces efforts sont louables, mais ils ne seront pas assez importants dans les cinq prochaines années. En effet, les critères européens listés par l’EFRAG permettent d’afficher un CA, des OPEX et des CAPEX alignés sur la Taxonomie verte européenne.

La réglementation verte au cœur des activités de l’entreprise

L’Europe appelle à agir et à changer des pratiques souvent polluantes pour notre environnement. A long terme, l’objectif principal pour une entreprise sera de prioriser son management sur la définition de sa stratégie. Il s’agit de travailler sur sa raison d’être, de lister les personnes qui seront les moteurs de l’entreprise pour déployer cette nouvelle stratégie. Il faudra aussi adapter sa production et ses processus. Le moment est venu de revoir fondamentalement les produits et services du marché. De plus, pour mener à bien ce processus il conviendra de s’appuyer sur le pôle finance de l’entreprise. L’aspect financier de ce projet pourra être structuré et synthétisé dans un business model canvas.

Définir son modèle économique et son évolution annuelle est une décision cruciale pour son entreprise. Tout DAF détermine régulièrement ses objectifs de croissance, de rentabilité, de financement et de retour sur investissement. Il sera alors nécessaire de compléter cette vision par :

  • la double matrice qui examine à la fois l’impact des risques ESG sur l’entreprise et l’impact de l’entreprise sur l’environnement ;
  • un plan d’action détaillé pour rester sur la bonne voie et atteindre l’objectif stratégique ;
  • des outils pour évaluer l’état de l’environnement en 2022 et mesurer les effets positifs obtenus.

Aucune transformation n’est possible sans action concrète. Dès lors, le DAF peut endosser le rôle de chef d’orchestre en faisant participer ses équipes et son écosystème, en utilisant le Business Model Canvas comme guide. Il devra faire face à de nombreux défis. Trois d’entre eux ont été identifiés à court terme.

Le premier défi consiste à créer un langage commun avec les autres fonctions de soutien

Une éducation formelle est nécessaire. Comprendre et appliquer les normes financières fait partie des responsabilités des financiers. Le DAF doit se familiariser avec l’analyse du cycle de production afin d’identifier les indicateurs de durabilité et être capable de collaborer avec les ingénieurs.

En conséquence, le financier jouera un rôle pédagogique par rapport aux métiers et aux autres fonctions de support (marketing, achats, informatique, développement à long terme). Il gagnera en légitimité dans la coordination des tâches de reporting et le pilotage (via son business model canvas) de la démarche de neutralisation des externalités négatives et d’augmentation des externalités positives.

Second défi de la réglementation verte : mobiliser son écosystème

Le business model canvas est composé de cinq éléments :

  1. le segment client,
  2. la proposition de valeur et les principales activités,
  3. les canaux de distribution,
  4. les ressources et les partenaires clés,
  5. les revenus anticipés et la structure des coûts.

Chacun de ses piliers fait référence à un partenaire différent de l’écosystème : les clients, les partenaires logistiques (acteurs clés de la mobilité), les fournisseurs et sous-traitants, et les investisseurs.

Habituellement, la décarbonisation d’une activité commence par les « Achats », car ils constituent un levier pour les managers, facilement utilisable compte tenu de la position de force du fournisseur. Pour être précis, trois actions sont désormais la norme :

  • le déploiement d’une politique d’achat responsable,
  • le renforcement de la sécurité de la chaîne d’approvisionnement,
  • la sélection de fournisseurs déjà Green et le respect strict des engagements pris lors des audits.

Avec les clients, la mission semble plus difficile. Il faut s’interroger sur les besoins des utilisateurs, innover, transformer le produit ou le service “polluant” (contradiction) en un business viable (opportunité). Il faut ensuite convaincre le marché. Les ingénieurs qui travaillent avec les services commerciaux et marketing s’efforcent quotidiennement de tracer une voie à long terme. Cependant, la fonction Finance peut remettre en cause leur vision.

Afin de ne pas limiter la fonction du DAF, il est important de mobiliser les fonctions support et de s’interroger sur la corrélation entre leurs actions quotidiennes, la cible définie, et les impacts financiers et non financiers.

Le troisième défi consiste à proscrire le greenwashing extra-financier

Le DAF doit donc être au courant des initiatives en cours et les traduire dans les budgets et les rapports extra-financiers. Il s’agit de répondre à trois enjeux majeurs : pérenniser les investissements, défendre la performance des activités jugées non durables, et convaincre de la pérennité des activités durables.

La communication sera donc cruciale si l’on évite de “verdir” les activités polluantes. Deux règles doivent être suivies pour éviter le greenwashing. La première consiste à utiliser des indicateurs facilement traçables via des organisations tierces. En effet, les agences de notation ou les technologies de « nouvelle génération » telles que la blockchain sont des outils indispensables. La seconde est de justifier l’évolution de ces indicateurs de manière régulière, période par période, afin de démontrer une performance extra-financière cohérente avec la stratégie RSE annoncée.

Sans aucun doute, le futur pourra servir les financiers s’ils font partie de la transformation et saisissent toutes les opportunités et contraintes pour contribuer à la réduction des émissions de carbone.

L’Equipe Novances Gestion Finances